Le MAPA permet de modifier le jeu de cartes à certaines conditions

Publié le : 24/09/2012 24 septembre sept. 09 2012

Le 30 novembre 2011, le Conseil d’Etat a rendu un intéressant arrêt dans une affaire Ministre de la Défense c/ EURL Qualitech. En effet, cette décision apporte des précisions très intéressantes sur les modalités de la procédure du marché à procédure adaptée (MAPA). Arrêt  pédagogique pour les Pouvoirs Adjudicateurs et les opérations économiques.


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :


Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 16 février 2011, le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS a lancé une procédure adaptée en vue de l'attribution d'un marché comportant une tranche ferme et deux tranches conditionnelles, relatif à des travaux de démantèlement, de désamiantage et de démolition de bâtiments sur l'île du Levant.

L'EURL Qualitech a déposé une offre qui a été rejetée le 2 mai 2011 par le ministre.

La société n'a en conséquence pas pris part à la phase de négociation menée avec les deux autres candidats ayant présenté une offre.

Suite à la saisine par l’EURL Qualitech, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par l'ordonnance en date du 20 septembre 2011, statuant en application de l' article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du marché litigieux à compter de la phase d'ouverture des négociations.

Saisi d’un pourvoir le 4 octobre 2011, le Conseil d’Etat a, dans un arrêt rendu le 30 novembre 2011, infirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des référés de Toulon et confirmé la procédure contestée.
 

DISPOSITIONS INVOQUEES :

 Article 53 III du Code des Marchés Publics :

« III.-Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. »


Article 28 du Code des Marchés Publics :


« I. - Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l’article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat.

Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix.

Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité.

Quel que soit son choix, le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des opérateurs économiques plus de renseignements ou de documents que ceux prévus pour les procédures formalisées par les articles 45, 46 et 48.

 
II. - Le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les situations décrites au II de l'article 35 ou lorsque ces formalités sont impossibles ou manifestement inutiles en raison notamment de l'objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré.

 
III. - Le pouvoir adjudicateur peut également décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si son montant estimé est inférieur à 15 000 euros HT. Lorsqu'il fait usage de cette faculté, il veille à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu'il existe une pluralité d'offres potentielles susceptibles de répondre au besoin. »
 

EXTRAIT DE L’ARRET :


« Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'EURL Qualitech, que celle-ci n'a pas complété cette partie de l'annexe 1 à l'acte d'engagement ; qu'eu égard, ainsi qu'il a été dit, à la nature de cette information, son offre était pour ce seul motif irrégulière ; que l'EURL Qualitech ne peut en conséquence utilement soutenir que le planning d'exécution des travaux qu'elle a fourni à l'appui de son offre permettait au pouvoir adjudicateur de connaître les délais d'exécution des travaux propres à la tranche ferme et à chacune des deux tranches conditionnelles du marché ; qu'au surplus, la lecture de ce planning ne permettait nullement au ministre de connaître avec clarté les délais que la société s'engageait à respecter ; que, dès lors, le ministre n'a pas méconnu ses obligations de mise en concurrence en rejetant comme irrégulière l'offre de l'EURL Qualitech ;

 
Considérant, en second lieu, que si les dispositions du III de l' article 53 du code des marchés publics , qui sont applicables tant aux procédures formalisées qu'aux procédures adaptées, prévoient l'élimination des offres inappropriées, irrégulières et inacceptables avant le classement des autres offres par ordre décroissant, les dispositions de l'article 28 du même code relatives à la procédure adaptée prévoient que le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre et que cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur qui, dans le cadre d'une procédure adaptée, décide de recourir à une négociation, peut librement choisir les candidats avec lesquels il souhaite négocier et peut en conséquence, dans le respect du principe d'égalité de traitement entre les candidats, admettre à la négociation les candidats ayant remis des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables et ne pas les éliminer d'emblée ; qu'il doit cependant, à l'issue de la négociation, rejeter sans les classer les offres qui sont demeurées inappropriées, irrégulières ou inacceptables ; qu'ainsi, si le pouvoir adjudicateur peut, dans le cadre d'une procédure adaptée, décider d'engager une négociation avec les candidats ayant remis une offre irrégulière, il n'y est pas tenu ; que, par suite, l'EURL Qualitech n'est pas fondée à soutenir qu'en ne l'admettant pas à la phase de négociation au motif que son offre était irrégulière, le ministre a manqué à ses obligations de mise en concurrence ; »


L’arrêt rapporté met en exergue la particularité de la procédure de MAPA par rapport à la procédure formalisée. Le Conseil d’Etat rappelle que dans le cadre du MAPA, le Pouvoir Adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre, cette négociation pouvant porter sur tous les éléments de l’offre. Il a ainsi la possibilité de choisir les candidats avec lesquels il souhaite négocier, même repêcher des candidats dont l’offre était ab initio inappropriée, irrégulière ou inacceptable. Attention, le repêchage par le Pouvoir Adjudicateur n’est qu’une faculté, jamais une obligation. En l’espèce, l’EURL Qualitech avait présenté une offre irrégulière et dès lors le Pouvoir Adjudicateur n’était pas tenu  d’intégrer cette société dans la négociation qu’elle initiait avec les autres candidats. Donc, le MAPA permet de bouleverser les éléments des offres, dont le prix et donc de modifier le jeu de cartes du marché initialement posé. Cependant, le Pouvoir Adjudicateur doit toujours veiller dans le cadre de la négociation initiée respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.


Patrick Lingibé 
Membre Associé du Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (CRPLC)

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