Quelle indemnisation pour les victimes d’accident de la circulation ? Quels sont vos droits ?

Quelle indemnisation pour les victimes d’accident de la circulation ? Quels sont vos droits ?

Publié le : 26/10/2019 26 octobre oct. 10 2019

Les victimes d’accident de la circulation sont prises en charge par un régime spécifique d’indemnisation institué par la loi dite Badinter du 5 Juillet 1985 dont l’objectif affiché est double : d’une part, améliorer l’indemnisation des victimes et d’autre part, accélérer l’indemnisation de ces dernières. L’application de ce régime est cependant conditionnée et ne s’appliquera pas exactement de la même façon à toutes les victimes. Voyons ensemble les conditions pour bénéficier de ce régime spécifique d'indemnisation et les principaux points de réglementation et de jurisprudence à connaître en la matière.
 
 
Quelles sont les obligations de la victime d’accident de la circulation ?
 
Il est important de rappeler que la victime d’accident de la circulation reste responsable de la déclaration de son sinistre. L’accident doit en effet être déclaré dans les cinq jours ouvrés à l’assurance.
 
Lorsque la victime a des dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, elle doit adresser à l’assurance différents documents : certificat médical ou certificat d’hospitalisation, avis d'arrêt de travail accompagné d’une lettre explicative sur les dommages subis et l’exemplaire du constat d’accident complété.
 
 
Quel est le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter ?
 
L’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation dispose que « les dispositions du présent chapitre s’appliquent (...) aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ».
 
La Cour de cassation est venue préciser de manière plus précise le champ d’application de la loi. Dans un arrêt en 1990, elle indique « qu’un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident, (…) a eu un rôle actif dans la production et la gravité du préjudice, (…) » (Cass. Civ. 2, 28 février 1990, n° de pourvoi : 88-20133). De même, en 2004, elle indique que doit être « considéré comme impliqué, dans un accident de la circulation, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident » (Cass. Civ. 2, 8 juillet 2004, n° de pourvoi : 03-12323).
 
Quatre conditions cumulatives sont donc nécessaires pour déterminer s’il y a accident de la circulation au sens de la loi du 5 Juillet 1985 :
 
- un véhicule terrestre à moteur (VTAM)
- un accident de la circulation
- l’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident
- l’imputabilité du dommage à l’accident
 
Le VTAM est entendu comme un engin circulant sur le sol, muni d’une force motrice et apte au transport des choses ou des personnes. Sont ainsi concernés les automobiles, autobus, camions, vélomoteurs, tracteurs, engins de chantiers, remorques, semi-remorques et même les tondeuses à gazon dès lors qu’elles sont auto-portées (Cass. Civ. 2ème, 24 juin 2004, n° de pourvoi : 02-20208 ; Cass. Civ. 2ème, 22 mai 2014, n° de pourvoi : 13-10561). Même si leur moteur serait au moment de l’accident à l'arrêt ou en panne et que celui-ci se serait produit dans une propriété privée et non sur une route, tous ces VTAM sont concernés (Cass. Civ. 2ème, 25 mai 1994, n° de pourvoi : 92-19455).
 
L’accident de la circulation est la deuxième condition nécessaire à l’application de la loi du 5 juillet 1985. Là encore, la jurisprudence définit cette notion, comme événement fortuit, imprévu. Par conséquent, il n'y a pas d’accident si le dommage est la conséquence d’une action volontaire de l’auteur. A titre d’exemple, le fait d’utiliser un véhicule pour forcer la porte d’une maison et ainsi accéder au coffre-fort n’est pas considéré comme un accident de la circulation (Cass. 2ème Civ., 30 novembre 1994 : n° de pourvoi : 93-13399 93-13485) : « la loi du 5 juillet 1985 n'est applicable qu'aux seuls accidents de la circulation à l'exclusion des infractions volontaires, la cour d'appel retient, d'une part, que l'incendie des locaux était la conséquence directe et prévisible des vols et des dégradations volontaires et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que M. X... ait laissé les clés de contact sur le tracto-pelle, que l'expert admet qu'il avait fermé la cabine et que les auteurs du vol, ayant perpétré un vol de même nature au cours de la même nuit, avaient démontré qu'ils étaient en mesure de mettre en marche sans clé des engins de ce genre ; »
 
S’agissant de l’implication du véhicule dans l’accident, deux cas ont été éclairés par la jurisprudence. Tout d’abord, lorsqu’il n’y a aucun mouvement du véhicule mais qu’il y a un contact avec ce dernier, la jurisprudence considère qu’il y a une présomption irréfragable d’implication du véhicule. (Cass. Civ. 2ème, 25 janvier 1995 : n° de pourvoi : 92-17164 : « Attendu qu'est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de ce texte, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement »). De même, en l’absence de contact avec le véhicule il peut y avoir implication. Dans ce cas, c’est à la victime de rapporter la preuve que le VTAM a joué un rôle dans l’accident (Cass. Civ. 2ème, 25 mai 1994, n° de pourvoi : 92-17969).
 
Enfin, le critère d’imputabilité du dommage à l’accident signifie que le dommage puisse être rattaché à l’accident. Lorsque la survenance du dommage n’est pas simultanée à l’accident, la jurisprudence prévoit une présomption simple de causalité entre le dommage et l’accident si le dommage est contemporain de l’accident ou se manifeste dans un temps voisin (Cass. Civ. 2ème, 16 octobre 1991, n° de pourvoi : 90-11880).
 
Dans le cas des collisions en chaîne (carambolage ou accidents successifs), la jurisprudence retient que ce genre d’accident “complexe” est un accident unique dans lequel se trouvent impliqués tous les VTAM intervenus à quelque titre que ce soit dans une des séquences et auquel se rattachent toutes les conséquences dommageables envers la victime (Cass. Civ. 2ème, 24 juin 1998 : n° de pourvoi: 96-20575 ; Cass. Civ. 2ème, 13 mai 2004, n° de pourvoi : 02-17545 ; Cass. Civile 2ème , 21 octobre 2004, n° de pourvoi: 03-13006. En d’autres termes, la victime peut demander à n’importe quel conducteur ou gardien la réparation du dommage.
 
 
Quelles sont les différentes catégories de victimes d’accident de la circulation ?
 
Toutes les victimes d’accident de la circulation peuvent se prévaloir de la loi du 5 juillet 1985 et ainsi obtenir réparation de leur dommage. La loi prévoit toutefois une différence de traitement en fonction des catégories de victimes : les victimes non conductrices, les victimes conductrices et les autres.
 
Les victimes non conductrices
 
Sont ici concernés, les piétons et passagers d’un véhicule motorisé. Cette catégorie de victimes bénéficie d’une législation très protectrice dans la mesure où l’indemnisation est quasi automatique.
 
L’article 3, alinéa 1er de la loi du 5 juillet 1985 énonce ainsi que :
 
“ Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ”.
 
Les cas d’exclusion de l’indemnisation de ces victimes non conductrices sont donc très rares. Seule la faute inexcusable de la victime peut exclure l'indemnisation et à condition que cette faute soit l’unique cause de l’accident.
 
La loi prévoit une autre catégorie de victimes des accidents de la circulation dont l’indemnisation est automatique dès lors que certains critères d'âge et de santé sont réunis. Ces victimes bénéficient d’une immunité en raison de leur vulnérabilité.
 
Article 3, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
« Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
 
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »
 
Les victimes conductrices
 
S’agissant des conducteurs victimes d’un dommage, ces derniers peuvent obtenir réparation dès lorsqu’ils n’ont pas commis de faute en lien avec la survenance de l’accident.
 
Article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
« Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er. »  
 
Il appartiendra à l’assurance du conducteur victime de l'indemniser bien que dans les faits, les assurances essaient la plupart du temps d’imputer une faute au conducteur afin d’exclure son indemnisation.
 
A contrario, le conducteur ayant subi un dommage mais ayant commis une faute en lien avec la survenance de l’accident pourra se voir réduire ou même supprimer son indemnisation. Encore faut-il que la faute du conducteur-victime soit la cause exclusive de l’accident (Cass. 2ème civ., 29 janvier 1986, n° de pourvoi : 84-15.095) : « Mais attendu qu'en vertu de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, (…), la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subi ; »).
 
Article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. »
 
Les autres victimes :
 
La loi du 5 Juillet 1985 prévoit une dernière catégorie de victimes pouvant être indemnisées : les victimes par ricochet. Ces victimes ne sont pas directement touchées par l’accident mais elles subissent au même titre que la victime principale un préjudice réparable. Il s’agit le plus souvent de la famille de la victime ou encore du concubin puisque la loi n’impose pas de lien de parenté.
 
Article 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
« Le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages. »
 
Le cas particulier des dommages aux biens
 
Le dommage aux biens est le dommage causé à des biens matériels. Dans ce cas précis, la faute commise par toute victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’elle a subis. Toutes les victimes sont ici sur un pied d’égalité.
 
 
Quelles sont les obligations de l’assureur concernant l’offre d’indemnisation ?
 
La procédure d’indemnisation de la loi du 5 juillet 1985 repose sur l’offre d’indemnité faite par l’assureur à la victime.
 
Article 12 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
«  L’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ”.
 
Il s’agit d’une procédure d’indemnisation amiable qui se décompose en deux étapes. L’assurance doit tout d’abord demander à la victime de se soumettre à un examen médical auprès d’un médecin afin de déterminer l’ensemble de ses préjudices corporels. Ensuite, la victime acceptera ou refusera l’offre faite par l’assureur.
 
L’assureur a par ailleurs l’obligation d’informer la victime dans un délai de quinze jours avant l’examen médical, de l’objet, date et lieu de l’examen en lui précisant qu‘elle peut se faire assister par un médecin de son choix. Il s’agit là d’une étape clef de la procédure puisque cet examen médical déterminera le montant des préjudices.
L’offre faite par l’assureur doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice.
Article 12, alinéas 1 et 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation :
 
« L'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l’accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint.
 
Une offre doit aussi être faite aux autres victimes dans un délai de huit mois à compter de leur demande d'indemnisation. »
 
L’assureur est tenu de présenter l’offre dans un délai précis sous peine de sanction prévue par le code des assurances :
 
Article L. 211-13 du code des assurances :
 
« Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur. »
 
Suite à la signature de l’offre, la victime dispose de 15 jours de délai de rétractation au terme desquels la transaction acquiert autorité de force jugée.
 
 
Bien que la loi Badinter ait vocation à renforcer la protection des victimes d’accident de la circulation, il est important de rappeler que les assurances sont toujours motivées par un intérêt économique. L’indemnisation de la victime n’est donc pas leur priorité première. La victime devrait toujours être vigilante lors de la procédure d’indemnisation amiable et veiller à se faire assister par un avocat spécialisé dans les techniques d’indemnisation, cela afin de vérifier que les montants des préjudices évalués sont corrects. De même, l’assistance d’un médecin spécialisé dans la réparation corporelle choisi par la victime lors de l’expertise médicale est importante car il permet de contrebalancer l’expertise du médecin collaborant avec l’assureur.
 
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Patrick Lingibé
Avocat au barreau de la Guyane
Ancien bâtonnier
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Cabinet d’avocats JURISGUYANE
 

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