CEDH : imposer aux femmes divorcées un délai de viduité de 300 jours avant de se remarier

Publié le : 29/06/2023 29 juin juin 06 2023

L’obligation faite aux femmes divorcées de respecter un délai de viduité de 300 jours avant de se remarier viole la Convention EDH.L’affaire concerne l’obligation faite aux femmes divorcées de respecter un délai de viduité de 300 jours avant de se remarier (avec un autre homme que leur mari précédent) sauf si elles prouvent qu’elles ne sont pas enceintes en se soumettant à un examen médical.
Dans un arrêt Nurcan Bayraktar c/ Turquie du 27 juin 2023 (requête 27094/20), la Cour européenne des droits de l'Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) et de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 12 (droit au mariage) de la Convention européenne des droits de l’Homme.
La Cour juge que l’imposition du délai de viduité de 300 jours et l’obligation qui a été faite à la requérante de présenter un certificat médical pour lever ce délai ne répondaient pas à un besoin social impérieux, n’étaient pas proportionnées aux buts légitimes visés et n’étaient pas justifiées par des motifs pertinents et suffisants. L’ingérence dans l’exercice par la requérante de son droit au respect de sa vie privée n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.
La Cour considère également que cette pratique imposée aux femmes divorcées s’analyse en une discrimination directe fondée sur le sexe, qui ne peut être justifiée par le but de prévenir des incertitudes quant à la filiation d’un éventuel enfant à naître. La différence de traitement à laquelle la requérante a été soumise au motif de son sexe n’était ni objectivement justifiée ni nécessaire.
La Cour précise aussi que l’objectif de prévenir "la confusion des sangs", autrement dit de permettre la détermination biologique de la paternité, semble irréaliste dans une société moderne.
Elle indique que, même à supposer que le délai de viduité ne vise qu’à préserver la présomption de paternité de l’ex-mari à l’égard d’un enfant qui naîtrait durant cette période, il ne présenterait pas plus d’utilité, compte tenu de l’existence dans les systèmes juridiques d’autres outils juridiques de reconnaissance et de détermination de la paternité.

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