
QPC : droit de se taire du militaire
Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution de ne pas prévoir que le militaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire est informé du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est mis à même de présenter sa défense, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre.Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 4137-1 du code de la défense, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Le requérant reprochait à ces dispositions de ne pas prévoir que le militaire faisant l’objet d’une procédure disciplinaire est informé du droit qu’il a de se taire lorsqu’il est mis à même de présenter sa défense, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre.
Dans sa décision n° 2025-1137 QPC du 30 avril 2025, le Conseil constitutionnel observe que lorsqu’il présente sa défense devant l’autorité investie du pouvoir de sanction ou l’un des conseils chargés d’émettre un avis sur les suites à donner à la procédure de sanction, le militaire mis en cause peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est poursuivi.
En outre, le fait même que ce militaire soit invité à présenter sa défense peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire.
Or, l’autorité investie du pouvoir de sanction prend connaissance des observations ou déclarations présentées devant l’un des conseils précités et reçoit celles que le militaire fait devant elle.
Dès lors, en ne prévoyant pas que le militaire à l’encontre duquel une procédure de sanction est engagée doit être informé du droit qu’il a de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.
Il est rappelé que le Conseil constitutionnel avait déjà statué dans ce sens suite à des QPC similaires.4
Il est à noter que le Conseil constitutionnel reporte la date d'abrogation des dispositions inconstitutionnelles au 1er mai 2026, compte tenu de ses conséquences manifestement excessives.
Cependant, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il juge que jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le militaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire.
EXTRAIT DE LA DECISION DE LA QPC :
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4. Aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.
5. Aux termes de l’article 34 de la Constitution, « La loi fixe les règles concernant … les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ».
6. Selon l’article L. 4137-1 du code de la défense, le militaire qui a commis une faute ou un manquement s’expose à une sanction disciplinaire ou professionnelle, sans préjudice des sanctions pénales que de tels faits peuvent également entraîner. Le cinquième alinéa de cet article détermine les garanties dont bénéficie le militaire à l’encontre duquel une procédure de sanction est engagée.
7. À ce titre, en vertu des dispositions contestées, le militaire poursuivi disciplinairement a le droit de présenter sa défense. En revanche, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoient qu’il est informé de son droit de se taire.
8. Lorsqu’il présente sa défense devant l’autorité investie du pouvoir de sanction ou l’un des conseils chargés d’émettre un avis sur les suites à donner à la procédure de sanction, le militaire mis en cause peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est poursuivi. En outre, le fait même que ce militaire soit invité à présenter sa défense peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire.
9. Or l’autorité investie du pouvoir de sanction prend connaissance des observations ou déclarations présentées devant l’un des conseils précités et reçoit celles que le militaire fait devant elle.
10. Dès lors, en ne prévoyant pas que le militaire à l’encontre duquel une procédure de sanction est engagée doit être informé du droit qu’il a de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. "
Historique
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